Tous mobilisés pour l'innovation
Les industriels de la viande disposent en France d’un « écosystème » technique et financier performant en matière de soutien à la R&D mais qu’il s’agit de consolider. Quant à la qualification des personnels, les besoins de la filière sont immenses et les moyens à organiser.
Les industriels français de l’univers des produits carnés sont aujourd’hui largement convaincus que l’innovation constitue une clé de la réussite entrepreneuriale. C’est l’un des enseignements encourageants qui est ressorti de la première table-ronde consacrée aux « enjeux technologiques d’avenir » de la filière viande organisée à l’occasion des 40 ans de l’ADIV.
« Nous avons fait le choix de proposer une matière première noble, du boeuf de race à viande, car nous pensons que l’on mangera moins de viande à l’avenir mais de meilleure qualité », a ainsi expliqué Pierrick Priouzeau, le directeur général de Puigrenier. « Dans ce contexte, l’innovation constitue pour nous un levier essentiel pour créer de la valeur ajoutée ». L’entreprise auvergnate d’abattage- transformation s’est ainsi distinguée par le lancement de plusieurs produits innovants sur le marché : le tartare au couteau de race à viande, le carpaccio frais format assiette race à viande ou encore la viande affinée, mise au point au terme d’une collaboration originale avec l’ADIV. À l’instar de ses confrères, nombreux dans la salle, Pierrick Priouzeau a convenu que les entreprises industrielles de la viande disposaient en France, d’un « écosystème » favorable à l’innovation. Elles savent pouvoir s’appuyer du point de vue technique sur l’ADIV et, sur l’aspect financier, sur de nombreuses sources de financement public pilotées en particulier par Bpifrance et FranceAgriMer (lire encadré). « Nous avons besoin de tous ces acteurs », a insisté Pierrick Priouzeau.
Mais si les entreprises, à titre individuel, disposent des leviers techniques et financiers pour faire aboutir leurs projets d’innovation, la filière peine, elle, à fédérer les volontés et dégager les moyens pour engager une modernisation de fond du secteur. « Les défis à relever sont nombreux : sécurisation microbiologique et sanitaire des matières premières, biopréservation, automatisation et robotisation de l’abattage-découpe », a rappelé Jean-Dominique Daudin directeur de recherche à l’INRA et président du conseil scientifique de l’ADIV. « Mais il y a un défaut criant de coopération sur les projets transversaux entre les interprofessions, les industriels et le monde de la R&D », a-t-il regretté, soulignant « le profond décalage » entre la situation française et celle d’autres pays européens.
Pour mener à bien des projets de recherche d’intérêt collectif, les adhérents de la fédération des industries charcutières (FICT) ont créé Aprivis en 2006. « Son objectif est de financer des projets de R&D et d’aider à la diffusion des résultats et à leur prise en compte par les entreprises », a témoigné Thierry Grégori, directeur des affaires scientifiques et réglementaires de la fédération et secrétaire d’Aprivis. L’association, qui bénéficie de financements collectifs et individuels, a mené à bien une cinquantaine de projets sur des problématiques transversales : sécurité sanitaire, alimentation et santé, qualité technologique des matières premières, problématiques environnementales, etc.
DES BESOINS EN FORMATION EN CROISSANCE CONTINUE
La qualification des personnels, autre défi de taille pour la filière viande, faisait l’objet de la deuxième table-ronde de l’après-midi. Sur cette question, le constat fut unanime. Quel que soit le secteur, les besoins en formation ou en certification professionnelle des personnels sont considérables. «Avec la réouverture des rayons traditionnels, nous manquons de personnel qualifié en matière de découpe mais aussi de personnel formé à la vente de la viande », a témoigné Gérard Cladière, directeur Boucherie/Produits frais traditionnels du groupe Carrefour. L’enseigne a recruté en 2015 près de 250 apprentis et développe d’importants moyens de formation en interne.
« L’entreprise dans son ensemble doit s’impliquer dans la qualification des personnels et la transmission du savoir-faire », a renchéri Christophe Bonfils, responsable du site d’ABC Industrie, appartenant au groupe Loste. Le site a accompagné cette année 12 employés en CQP (certificat de qualification professionnelle) Conducteurs de ligne, mobilisant des formateurs en interne, mais aussi venus de l’extérieur.
Véronique Elgosi, délégué générale de la Fédération des industries avicoles, a souligné que l’engagement collectif des acteurs était décisif en matière de formation. Au terme d’un accord signé en décembre 2015, le secteur est en phase de déploiement de trois certificats de qualification professionnelle interbranches : Animateur d’Équipe Domaine Industriel, Opérateur de maintenance Industrielle – Régleur, et Conducteur d’Équipement Industriel. « Dans nos filières, nous disposons de tous les moyens nécessaires pour mieux organiser la formation de nos employés : les organismes collecteurs (OPCA), les instituts, les conseillers en formation», est intervenu Robert Volut, le président de la FICT. « Nos besoins ne demandent qu’à être satisfaits, par une meilleure coordination, au niveau régional par exemple ».
Un axe de progrès qu’a bien illustré Rodolphe Caillon, directeur de l’Ifria-Auvergne. Celui-ci a en effet conclu les échanges par un bilan de deux des programmes novateurs engagés avec les entreprises de viande dans la région : le PASS IFRIA, issu d’un partenariat avec l’entreprise pour proposer des formations sur mesure et sur site ; et la préparation opérationnelle à l’emploi collective (POEC), qui rapproche demandeurs d’emploi et zones en forte demande de candidats. Partenaire de ces programmes, l’ADIV a récemment réorganisé son service Formation et étendu ses compétences en la matière.
Financement de l’innovation : des acteurs publics très impliqués
Bpifrance s’implique très concrètement dans les orientations de la R&D du secteur, a rappelé Ariane Voyatzakis, responsable secteur agroalimentaire de Bpifrance, lors d’une intervention très attendue. « Je participe notamment à l’évaluation des projets de recherche collaborative du type UMT et RMT au sein du conseil scientifique et technique de l’Actia ou encore aux travaux du conseil stratégique de filière », a-t-elle indiqué, avant de rendre un hommage aux structures telles que l’ADIV « qui transfèrent des solutions concrètes aux entreprises ». Les entreprises du secteur viande bénéficient également du soutien de FranceAgriMer, opérateur d’État depuis 2015 du programme P3A. Trois appels à projets concernent le secteur (compétitivité des outils d’abattage découpe, plan industriel agroalimentaire et projets structurants des filières agricoles et agroalimentaires), a rappelé Laurence Fouque, responsable de la cellule « Aide aux entreprises » à la direction des Interventions de FranceAgriMer.